La fête de la goutte ou de la Nocta (Nokta, Leylet en-Nuktah ou Laylat el-nuqta) est une fête égyptienne liée à la crue du Nil et aux calendriers agraires égyptiens. Elle est probablement héritée des anciens égyptiens, puis fut perpétuée par les coptes et les musulmans, avant qu’un barrage ne soit installé sur le Nil. Elle a lieu d’après les anciens almanachs coptes durant la nuit du 17 au 18 juin. Elle annonce l’arrivée prochaine de la crue, qui elle se manifeste un peu après le solstice d’été fin juin/début juillet, selon qu’on est au Sud ou au Nord de l’Égypte et selon les années. Il ne faut pas oublier, que la crue n’est pas un phénomène exacte arrivant strictement à la même date. Le témoignage de l’explorateur danois Carsten Niebuhr Plusieurs auteurs occidentaux, qui ont écrit sur l’Égypte au 18ème et 19ème siècle, en font mention. Ainsi dans son ouvrage, Voyage en Arabies et en d’autres pays circonvoisins, l’explorateur et géographe danois Carsten Niebuhr (1733 – 1815) mentionne cette fête en page 104, voici l’extrait : Il est donc certain, que l’on fait encore toutes les années des expériences en Égypte, pour savoir quand le Nil commence à hausser ; et que l’on en conclut, que l’on peut s’attendre à une année abondante ou mauvaise. Mais les mahométans sensés regardent tout cela comme un simple amusement de femmes. Un d’entre eux me dit, que les astronomes arabes nommoient Nokta le temps, où le soleil entre dans le signe du cancer ; c’est peut-être cette dénomination, qui a donné occasion au peuple de faire de vaines expériences. Je trouve que Monsieur Forskäl a fait lui-même des expériences ; et voici ses annotations sur le sujet. « La nuit du 17 de juin les habitants de Kahira attendent la goutte. Comme les mêmes mois des Mahométans n’arrivent pas toujours dans la même saison de l’année ; ils suivent la chronologie copte. Le peuple d’Égypte croit de toute ancienneté, que dans cette nuit tombe annuellement du ciel des gouttes d’eau dans le Nil et qu’elles causent la crue du fleuve, que l’on attend deux à trois semaines après. » Pronostics de la crue du Nil lors de la fête de la nocta Dans le témoignage de Monsieur Forskäl rapporté par Carsten Niebuhr il est fait mention de plusieurs procédés utilisés par les égyptiens pour faire des pronostics concernant la crue du Nil. La première méthode consistait à mettre dans un pot un peu de la terre du Nil bien sèche. Puis, on y verse autant d’eau du Nil, qu’il y a de terre. Ensuite, le pot est mis toute la nuit du 17 au 18 juin sur le toit de la maison ou à l’intérieur. Si la terre boit entièrement l’eau du Nil, on craint une année stérile. Mais, plus il reste d’’eau et plus les paysans pensent que la crue du Nil sera abondante et la terre fertile. La seconde méthode consistait en la fabrication de douze petites boîtes en papier. Sur chacune d’elle est écrit le nom d’un mois copte. On met dans chacune un peu de froment, d’un poids égal. Or si dans un de ces papiers, le poids se trouvait augmenté lors de la nocta, alors la crue du Nil serait abondante dans le mois, dont le nom était marqué sur le papier. Enfin, la dernière méthode avait recourt à la pâte utilisée pour faire le levain entrant dans la fabrication du pain. Les égyptiens pensaient que la pâte qu’on exposait dans durant la nuit de la goutte se changeait en levain, alors que pas les autres nuits. C’est pourquoi, ils jetaient leur vieux levain de l’année dans le Nil et renouvelaient leur levain lors de cette fête, d’après Le Globe, Volume 9 de 1870 édité par Société de géographie de Genève, page 75. Celui-ci mentionne également qu’une pièce de monnaie ou une fève était mise dans le pain sans levain réalisé à cette occasion et partagé en famille. Un peu comme notre galette des rois. Ils gardent aussi quelques unes des galettes faites ce jour et tirent des prédictions et des pronostics au sujet de la crue, des récoltes, en fonctions des fentes, que la sécheresse produit sur celles-ci. Témoignages sur la date de la Nocta Cette fête de la goutte est mentionnée dans le Bulletin de la Fédération des sociétés d'horticulture de Belgique, édition de 1870 en page 304. Dans ce bulletin sont publié les informations d’un almanach copte de 1583. Il y est indiqué que la nuit de la Goutte ou Nocta avait lieu le 17 juin et que la crue du Nil débutait la 25 juin. Enfin, le 3 juillet on proclamait les progrès de la crue au Caire. Dans son ouvrage, La crue du Nil, publié en 1869, Eugène Tissot ingénieur au Caire mentionne quant à lui que la Nocta ou la Goutte avait lieu le 17 juin, soit quatre jours avant le solstice d’été. Il a aussi noté que celle-ci n’était plus synchrone avec le lever héliaque de l’étoile Sirius, qui lui avait lieu vers le 1er août. Dans l’ouvrage, Aperçu général sur l’Égypte, d’Antoine Barthélémy Clot-Bey (1840) il est fait mention de la nocta (aussi écrit nokta) dans le chapitre 1, Aperçu physique. L’auteur dit : « Nokta. — Les Égyptiens appellent nokta (goutte) une rosée bienfaisante qui tombe dans la nuit du 17 au 18 juin, et à laquelle ils donnent la propriété de purifier l’air et de faire cesser les maladies et particulièrement la peste. Il est évident que le phénomène du nokta ne peut avoir aucune influence déterminante sur l’épidémie; sa venue est simultanée avec celle des chaleurs qui, seules, opèrent le changement qu’on lui attribue. Les auteurs anciens parlent de l’usage, oublié aujourd’hui, de soumettre à l’action du nokta une portion d’argile desséchée, dont le degré d’imbibition indiquait le plus ou moins d’abondance de la crue des eaux du Nil. » Une fête des prémices de la crue Au travers de ces différents témoignages, nous constatons que la fête de la Nocta annonce la venue de la crue. En effet à cette date, les eaux du Nil Bleu arrivent en Égypte. Cet apport est faible, peu visible et presque pas chargé de limon. Il commence cependant à chasser les eaux dites vertes et stagnantes de la période de chaleur. C’est pourquoi lors de la fête de la Nocta, il est dit que l’air commençait à être purifié et que les maladies cessaient. Ce sont surtout les pluies fortes en Abyssinie au même moment, qui vont gonfler le fleuve Atbara et venir nourrir la crue de façon plus visible après le solstice d’été. D’où le lien, qui était fait également entre la nuit de la Goutte ou Nocta et les pluies d’Abyssinie par la population locale (voir - Relation de l'Égypte par Abd-Allatif, médecin arabe de Bagdad - Cambridge University Press, 28 mars 201 – page 348). Tamara Legan Siuda en fait aussi mention dans son ouvrage, Ancient Egyptian Daybook, qui recense les fêtes des calendriers égyptiens anciens (saison Akhet, mois 1 « night of the drop »). Les larmes d'Isis Dans un article de l'encyclopédie d'égyptologie de l'Université de Californie (UCLA) de Saphinaz-Amal Naguibn , intitulé Survivals of pharaonic religious practices in contemporary coptic christianity, l'auteur pense que cette fête correspondrait avec une croyance des anciens égyptiens concernant les larmes d'Isis. La fête de la goutte serait le moment où Isis pleure son époux et cause le débordement du Nil par ses larmes. " According to Pausanias, it was believed that during that night Isis mourning the loss of Osiris shed a tear, thus triggering the overflow (Rocha-Pereira 1989, Book X, 32, 10; see also Clerc 1978; Derchain 1970; Desroches Noblecourt 1980) . Furthermore, it is worth noting here that the archangel Michael seems to have taken over the characteristic of the god Thoth as regulator of the Nile." Article rédigé par Sopdetmouti, juin 2020 Sources :
- Voyage en Arabie & en d'autres Pays circonvoisins (1776) de Carsten Niebuhr (explorateur et géographe danois) page 104 – 105 - Relation de l'Égypte par Abd-Allatif, médecin arabe de Bagdad - Cambridge University Press, 28 mars 201 – page 348 - Bulletin de la Fédération des sociétés d'horticulture de Belgique, édition de 1870 en page 304 on a la page du mois de juin présentant les données d’un almanach copte où il est fait mention de la Nocta. - Le Globe, Volume 9 1870, Société de géographie de Genève, page 75 - La crue du Nil (1869, Eugène Tissot, page 19-20-21 - Présence de l’Egypte de Marie Cécile Bruwier, Presses universitaires de Namur, 1994 page 114- 155 - Aperçu général sur l’Égypte, Antoine Barthélémy Clot-Bey (1840) dans chapitre 1 Aperçu physique - Survivals of pharaonic religious practices in contemporary coptic christianity par Saphinaz-Amal Naguibn (University of Califonia in Los Angeles - UCLA), encyclopedia of egyptologie
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